Hunting is like a date { M i n H o }

Chambre noire ; absence de liberté. La fenêtre a été irrémédiablement fermée, verrouillée, punition paternelle pour avoir eu l’outrecuidance de se faire pincer alors qu’elle sortait une nuit de plus, une nuit de trop dans les rues si vivantes de Séoul. « Trop d’attaques d’animaux. » lui avait-on dit. « Tu ne voudrais pas qu’on te soupçonne encore ? » avait-on ajouté, le fiel au bout des lèvres. Mais non, Haru ne le veut pas, car même si elle se permets quelques petites incartades sur l’innocente espèce humaine, jamais elle ne va jusqu’au bout de leur mortalité, se contentant de les laisser errer, vidés de leurs souvenirs et de leur hémoglobine, sur le trottoir d’une ruelle déserte.

Alors elle attend, et attend encore, tout d’abord enragée, puis seulement affamée, consciente qu’on la pousse dans ses retranchements tant pour la punir que pour la préparer à une énième chasse. Le moindre craquement qui résonne dans le manoir la fait se redresser, tourner en rond, ne s’éloignant pas trop du lit à baldaquin auquel elle a été attachée d’une chaîne en or qui, si elle tire trop, brûle la peau fine de son poignet. Ils savent comment la mater - la morsure dorée grignote sa peau, la réduisant à l’immobilité forcée. Ils ne l’abimeront pas plus que ça, mais c’est déjà trop, trop pour elle qui n’aspire qu’à la liberté de mouvement, la liberté de vivre.

Et les secondes tictaquent, agaçantes, égrenées par une horloge dont elle ne supporte déjà plus le son, qui l’empêche de dormir plus de quelques heures sans lui donner l’envie mortelle d’envoyer un coussin sur l’objet honnis pour le faire taire pour de bon. Au bout de quelques jours, l’entreprise se forme - le coussin vole, mais manque sa cible, faisant enrager pour de bon la harpie qui se retrouve à devoir dormir à plat sur le matelas. Erreur de jugement.

C’est alors qu’un jour, ou peut-être bien une nuit - les lourds rideaux sont tirés, pour qu’elle ne puisse plus distinguer les heures qui passent autrement que par le tic tac incessant de cette foutue horloge - la porte s’ouvre sur deux silhouettes plus grandes qu’elle, mieux bâties également. Aussitôt, ses yeux aux reflets bleutés lancent des éclairs - sa bouche s’entrouvre sur un sifflement qui laisse entrevoir les canines qui frôlent sa lippe inférieure. Ainsi exposée à la lumière qui filtre du palier, Haru n’a plus rien d’humain et ne semble pas s’en soucier outre mesure. « Elle est prête. Fais-en ce que bon te semblera, fiston. » À la réplique, la jeune femme étouffe un rire moqueur. Tu parles d’être prête, elle dépérit.

« J’ignorai qu’on avait rendez-vous, mon adoré. » grogne-t-elle sur le nouvel arrivant qui s’avance d’un pas dans la pièce sombre, d’un timbre presque sirupeux, faussement amoureux. « Je n’ai pas eu le temps de me faire belle, j’espère que tu ne m’en voudras pas~ » Levant son bras tétanisé par la douleur, affichant la chaîne qui érode sa peau marmoréenne d’un bracelet de chair rougeâtre, elle grogne une nouvelle fois, de souffrance plus que de haine cette fois-ci. « Est-ce que tu es là pour me délivrer, Ô mon prince, ou vas-tu me laisser souffrir mille morts par peur que je ne te croque ? Si ça peut te rassurer, j’ai faim, mais pas encore à ce point-là. » Et la main retombe, immobile contre la hanche de peur d'accentuer encore plus l'infâme blessure.

Une énième attaque venait de se produire à Séoul en pleine nuit. Un incident meurtrier et violent dont les blessures et circonstances ne passaient pas inaperçues pour les chasseurs présents dans la police. Informé des détails, Min Ho penche vers une attaque de lycanthrope. Qu'elle soit involontaire ou non n'a aucune importance pour lui : le coupable doit être arrêté sur le champ avant qu'il ne fasse d'autres victimes. Bien que la nature de la malédiction soit en réalité inconnue, il se prépare à rencontrer et affronter un loup-garou. Lames argentées se rajoutent à son arsenal, notamment un couteau rangé dans un étui accroché à son pantalon et une hache dans le coffre de sa voiture.

Mais une autre arme lui est disponible ; et quand bien même il aimerait s'en passer, il préfère mettre toutes les chances de son côté. Alors, ravalant sa fierté, il se rend à la demeure des Ae — et avec son père malgré lui pour faire bonne figure. Bien que chaleureusement accueillis par son beau-père, le chasseur invulnérable écourte la discussion pour expliquer sa présence. Sans tarder, le collègue de son géniteur les redirige vers une chambre fermée, condamnée, seule une obscurité troublante s'échappant du seuil.

Porte ouverte sur la chambre noire, la lumière du couloir éclairant à peine la pièce, le trentenaire jette un regard plein de mépris sur la raison de sa venue : sa femme harpie attachée à son lit, la peau sur les os. Son nez se retrousse, sa lèvre supérieure se relève. Dégoûté ; non pas par les conditions dans lesquelles est retenue sa fiancée, mais par la vue du monstre auquel il est lié malgré lui. Malgré son apparence humaine et ses jolis traits, elle ne reste qu'une maudite, une harpie qui a besoin de sang humain pour survivre. Une menace. « Elle est prête. Fais-en ce que bon te semblera, fiston. » Le trentenaire lance un simple regard noir à son père qui rejoint la lumière du reste de la demeure des Ae, préférant ne pas gaspiller plus de salive pour son géniteur. Et comme si la situation ne le mettait pas dans une situation déjà suffisamment inconfortable, Haru lui lance pique sur pique, lui faisant instantanément regretter sa venue.

Pourquoi est-elle pourvue de parole ?

Porte close, désormais seul dans la chambre avec la créature aux courbes féminines, il repose son dos contre le mur derrière lui et laisse la maudite finir de parler et de grogner avant de soudainement allumer la lumière. « Même attachée et retenue comme une bête de foire, tu continues à ouvrir ta sale gueule. C'est impressionnant. » dit-il en se rapprochant de sa fiancée attachée au lit, laisse dorée dans une main. Le regard de Min Ho se promène sur le corps maigre, affamée, de la jeune femme, puis sur les alentours. Un coussin se trouve sur le sol, non loin d'une horloge produisant un tic-tac incessant, d'une lourdeur qui commence à agacer le chasseur. Il remarque alors la position inconfortable dans laquelle est Haru, allongée à plat sur le matelas. « T'es vraiment conne, ma parole. Heureusement que tes gènes ne vont jamais se propager, je plaindrais tes gosses. » Hors de question pour lui de respecter un quelconque devoir conjugal avec une abomination de la sorte ; être fiancé à une maudite est une chose, souiller son corps et sa descendance en est une autre.

« Un humain a été assassiné par un des tiens. Tu vas m'aider à le retrouver et à l'abattre. » dit-il en approchant le collier de son cou, un clic soulignant le verrouillage du dispositif. Laisse dans une main, il défait une première chaîne qui la retient à son lit, puis la regarde avec toujours autant de haine. Il lui jette la clé des chaînes du lit. « Tu fais pitié. Libère-toi, on a un clébard à buter. »

La porte se referme dans un grincement insupportable ; mais réintégrer les ténèbres qui sont son domaine depuis plusieurs jours ne dérange pas plus que ça la jeune femme. Ses yeux s’accommodent aussitôt de cette obscurité, le bleu de ses pupilles se fixant avec une haine plus que palpable sur la silhouette pourtant bien dessinée de son fiancé appuyé contre le mur à côté de l’interrupteur. Nombre de femmes seraient à ses pieds - pas elle. Elle exècre tout de cet être qui se prétend humain mais la traîte avec autant de décence qu’un chaton mis dans un sac de toile pour y être noyé.

Et la lumière fut.

Clignant des paupières, elle replie les jambes pour s’installer plus confortablement, adoptant une position assise sur le matelas inconfortable, genoux sous le menton. « Pour toi, ce sera toujours un plaisir de l’ouvrir. Je peux même l’ouvrir un peu plus si tu le désire~ » Provocation flagrante, elle entrouvre ses lèvres pâles pour dévoiler ses crocs et sa langue qui se tortille de façon grotesque, entre la menace et la promesse d’une luxure dont elle sait pertinemment qu’il ne veut pas, ce qui ne l’amuse que plus encore.

« Et qu’est-ce qui te fais dire que je suis conne ? J’ai peut-être manqué exprès. » Moue boudeuse de celle qui ment effrontément mais refuse d’admettre la défaite, elle s’étire alors sensuellement, prenant le risque de se blesser plus gravement encore juste pour le plaisir de faire admirer ses formes à son chasseur attitré. « Puis rien ne dit que je ne vais pas répandre mes gènes. T’es au courant que t’es pas le seul homme au monde, hein ? » Après tout, elle n’a aucune obligation de lui être fidèle - pour le moment. Il s’en moque sans doute, de toute façon, du fait qu’il y a des hommes pour la désirer et à qui elle cède aisément son corps pour pallier à sa solitude forcée. « Mais parlons affaires. C’est tout ce à quoi t'es bon, de toute façon. » Piqûre de rappel sur le fait qu’elle sait qu’il est tout autant un rebut qu’elle, même si une toute petite part d’elle-même a conscience que cette réflexion est basse, même venant d’elle.

Elle l’écoute avec toute la patience dont elle peut faire preuve - c’est-à-dire très peu -, s’appliquant à se détacher sans frôler plus que nécessaire la chaîne dorée qui lui retient encore un bras. Une fois cette dernière entrave retirée, la brune se frotte les poignets dans un son qui tient à la fois du soupir de soulagement et du gémissement de douleur. « Au moins t’as pitié - ça fait de toi la moitié d’un être humain, comme moi. Félicitations. Pas de bol que l’autre moitié soit aussi corrompue. » Glissant le bout de ses doigts sur le collier de cuir qui ceint maintenant son cou, elle se rapproche de son propriétaire pour le regarder de haut en bas, la faim dilatant ses pupilles. « Un loup-garou ? D’accord. Il me semblait bien avoir entendu mes aînés en parler. Il paraît que le corps - le dernier corps, au cas où tu ignorerais que ce n’est pas le premier - a été trouvé dans les environs. Ce serait logique que ce soit son terrain de chasse attitré. »

D’une caresse infime au menton de Min Ho, qu’elle ne prolonge pas de peur de le voir la rappeler à l’ordre avec tout le sadisme dont il peut faire preuve, elle esquisse un sourire diabolique. « Ça tombe plutôt bien puisque c’est chez moi ici. En plus, je n’aime pas qu’on chasse sur mon territoire. Même moi je me permet pas. » Ce qui est vrai - même si c’est plus par peur de voir sa famille lui tomber dessus que par réelle volonté de protéger les humains innocents qui vivent dans le Bukchon Hanok Village.

« Par contre mon adoré, on va faire une halte prioritaire. » dit-elle en allant ouvrir la porte, tirant sur la laisse jusqu’à ce que celle-ci la retienne à quelques centimètres à peine de la porte vers laquelle elle se dirige avec un empressement certain. Exaspérée, elle tourne la tête par-dessus son épaule et foudroie le brun du regard : « Tu vas quand même pas me laisser me pisser dessus ? Ça fait des jours que je me retiens ! » Heureusement pour elle, l’homme s’avance, lui laissant les coudées franches pour entrer dans les toilettes et aller faire son affaire avec un soulagement perceptible même à travers la porte au trois-quarts fermée pour laisser passer la laisse dorée. Une fois son hygiène et son honneur sauvé, la harpie ressort avec pour fond sonore le bruit de la chasse d’eau et place les mains sur ses hanches.

« Bon, on commence par où ? L’endroit où le corps a été trouvé ? Est-ce que c’est récent ? Je pourrai sans doute remonter une piste si le coupable a perdu du sang~ » Et à ce seul mot, la brune salive, se pourléchant les babines avec délice.

Agaçante, insupportable, énervante et terriblement frustrante.

La harpie sait où frapper. Intelligence et créativité stimulée par le chaos, véritable agent du désordre, il ne lui suffit que de quelques mots ou gestes anodins pour un soi-disant couple comme le leur pour lui faire voir rouge — et le rôle du taureau ne lui plaît guère. Il maudit de tout son être les liens tissés entre eux, ce pacte entre familles qui lui impose une certaine conduite, une restriction de liberté qui le rend fou. « Certains gars sont prêts à foutre leur bite dans des coussins avec des meufs dessinées dessus, j'suis sûr que tu peux tenter ta chance avec l'un d'entre eux. » Jamais il ne lui viendrait en tête de mettre sérieusement le mot couple sur le duo qu'il forme avec la harpie, ni même de souhaiter une fidélité au sein de ce dernier. Hors papiers et état civil, ils sont tous deux célibataires ; qu'elle se fasse tringler ou non lui en touche une sans faire bouger l'autre — lui en tout cas ne se prive pas de voir ailleurs.

Les piques de la créature dépourvue d'ailes sont douloureuses et affectent le coréen qui dissimule leur impact par des traits blasés ; seules ses dents expriment sa peine en mordant langue et joue, mêlant au passage sang et salive. Les remarques sont aussi blessantes que semeuses de réflexions, fauteuses de troubles dans son esprit abîmé. Min Ho suit sa fiancée du regard sans un mot, sans un geste, ne réagissant pas plus à ses avances emplies de malice. Ça ne ferait que nourrir la bête, amuser la succube qui se délecte visiblement de sa haine envers elle.

Néanmoins, entre ses provocations et ses humiliations, elle apporte des informations intéressantes, utiles pour possiblement retrouver le loup-garou en question. Min Ho apprend avec surprise que d'autres victimes existent ; détail que son père avait omis de lui apporter et que le détective considère comme aussi important que le reste. A la remarque sur le territoire, le chasseur hausse un sourcil tandis que sa tête penche sur le côté. Évidemment qu'elle ne se permet pas de faire des victimes autour de chez elle ; sa famille ferait très rapidement le lien. Elle est conne, mais à ce point... Malheureusement.

« Hm ? » Une halte ? Laisse tenue fermement dans sa main, il la retient sans faire le moindre pas, immobile. « ... » Évidemment. Un soupir quitte ses lèvres et il se rapproche de sa fiancée jusqu'à ce qu'elle puisse librement soulager son corps après des jours de torture. Adossé contre le mur du couloir, le coréen lève la tête vers le plafond, éloignant son regard de la porte et de la maudite quand elle sort. « On commence par le lieu du crime. La victime a été retrouvée hier dans la nuit, ça fait quelques heures. Normalement nos pères sont censés enquêter dessus, donc ça devrait être encore plus ou moins en état. Tu devrais pouvoir renifler du sang. » Traînant la jeune femme derrière lui, il passe par le salon où se trouvent encore son père et celui de Haru, discutant autour de deux tasses de café chaud. Il ne leur adresse ni parole ni regard et se contente de traverser la pièce jusqu'à la porte d'entrée.

Une fois ouverte, une douce lumière orangée caresse leur peau. Le calme du village couplé à quelques chants lointains d'oiseaux en ferait presque un lever de soleil poétique, voire romantique, si le chasseur ne tenait pas en laisse sa harpie. « Mords-moi et je te fais bouffer la laisse. Mords la victime et je te fais bouffer la laisse. Quand on tombera sur le lycan, t'en feras ce que tu veux. » Il se rapproche de sa voiture garée non loin de la demeure des Ae et ouvre la porte côté conducteur. « Si t'es sage, je te laisserai boire mon sang. Peut-être. » Alors qu'il s'apprête à rentrer dans son véhicule, une réalisation le frappe : comment conduire tout en tenant la chaîne dorée reliée au collier de Haru ? Ne lui faisant aucunement confiance, il ne va pas lâcher la laisse ; ce serait un coup à ce qu'elle se barre et qu'elle parte bouffer des humains complètement innocents. « Tu sais conduire ? » Bien qu'il ait posé la question, il se doute que la réponse est un solide non, mais il ne lui laisse quand même pas le choix. Il rentre par le côté conducteur et enjambe le levier de vitesse pour s'asseoir côté passager. De sa poche, il sort les clés de la voiture qu'il pose sur le siège vide. « Si tu ne sais pas, je vais t'apprendre. Monte, insère les clés et conduis. Je vais te guider jusqu'au corps. »

Décidément, peu importe l’angle sous lequel elle le regarde, son fiancé a autant de charme qu’une mouche à merde - c’est-à-dire aucun. Ses répliques touchent, aussi sûrement qu’un poing envoyé droit dans les côtes, mais la harpie se contente de le regarder avec un large sourire carmin plaqué sur les lippes, crocs dépassant imperceptiblement sur sa lèvre inférieure. Il ne manquerait plus qu’il réalise à quel point ce qu’il peut dire parvient à lui faire du mal, lui qui ne représente rien de plus pour elle qu’une chaîne supplémentaire attachée à ses ailes imaginaires. « J’imagine que tu parles en connaissance de cause, mon pauvre. Mais rassure-toi, si j’avais voulu me faire tringler par un métronome, t’aurais été mon second choix. Ou peut-être le troisième. Oh, et avant que tu le précises : j’ai jamais insinué que t’aurais eu le choix. » Est-ce qu’elle est en train de parler de viol ? Parfaitement, et la créature ne s’en sent même pas un peu honteuse ou coupable, ne rougit même pas. Franchement, c’est plutôt généreux de sa part - ça veut dire que dans un sens, il est pas totalement dégueulasse à regarder, juste désavantagé au point de devoir compter sur la générosité d’un monstre pour avoir une chance de se faire chevaucher.

Il a vraiment le don de faire ressortir son démon intérieur. Rageant.

D’un autre côté, il n’y a même pas besoin de le regarder pour savoir que chacune des paroles qu’elle profère, chacun des gestes qu’elle esquisse, l’agacent. Et ça, ça n’a pas de prix - la cerise sur le gâteau. Douce vengeance. Après, Haru a mieux à faire que de répondre bêtement aux provocations de son interlocuteur, même si ses réactions restent un véritable délice de tous les instants. Dans un reniflement agacé, elle le suit docilement à travers le salon dans lequel leurs pères sont occupés à savourer un café encore fumant. Très naturellement, elle s’arrête pour les saluer dignement, s’attirant au passage des regards aussi ardents que le liquide qu’ils portent à leurs bouches immondes - et se fait aussitôt tirer par un Min Ho qui a l’air fermement décidé à ignorer leurs aînés. Ingrat, bien qu’elle partage clairement son dégoût pour le lien que ces deux-là ont forcé sur leurs épaules.

« Ça te dirait de ne pas tirer ? C’est le rôle du chien ça, d’habitude. Le mien, donc, vu que je suis ta chienne. » grogne-t-elle vulgairement une fois loin des oreilles indiscrètes, savourant en même temps la chaleur du soleil sur sa peau pâle comme du lait. Depuis combien de jours n’a-t-elle pas pu profiter de sa lumière ? Trop, sans doute - ses yeux se plissent sous les rayons matinaux, virant à un bleu clair saisissant. Si son fiancé avait encore un doute sur sa faim, il est maintenant fixé - elle en meurt, littéralement. Un bon point pour lui, assurément. Méfiante, elle le suit en trottinant pour combler ses larges enjambées. C’est un piège, le coup de la tenter avec son sang et de la menacer de lui faire bouffer de l’or si elle le mord ? « Indécis. Et je ne bois pas le sang des macchabées - t’es dégueu. » lâche-t-elle en secouant la tête, faisant voler ses cheveux autour de son visage aux traits délicats. Le pire dans cette histoire, c’est qu’elle en salive d’avance et ne peut même pas le nier - son compagnon sait déjà tout le bien qu’elle pense de son sang en particulier.

Viens la question à deux wons. Est-ce qu’elle sait conduire ? « Franchement ? Jamais essayé. » Pour quoi faire ? À la vitesse à laquelle elle peut se déplacer grâce à sa nature de maudite, elle n’a jamais ne serait-ce que pensé à passer le permis, même si la moto lui a toujours fait de l'œil. D’ailleurs, parlant de moto, elle est quelque peu déçue de voir la voiture de son fiancé plutôt que son engin tout terrain. « Attention au levier de vitesse, ce serait dommage de te l’enfoncer dans le cul. » Encore que, d’un point de vue strictement personnel, elle n’en raterait pas une miette si ça arrivait - même s’il faudrait faire de la place, avec le balais qu’il a déjà bien profond. Malheureusement, ce con est agile et s’installe confortablement à la place du mort, déposant les clés devant sa harpie plus que perplexe.

« D’accord. C’est simple jusque là. » Haussement d’épaule nonchalant alors qu’elle s’installe sur le siège conducteur, insérant les clés dans le démarreur et faisant aussitôt rugir le moteur, une once de sourire sur son minois. La sensation de la mécanique qui fait vrombir l’habitacle n’est pas désagréable. Elle pourrait y prendre goût. « Au fait, tu m’as pas dit. C’est combien de points par personne renversée ? » plaisante-t-elle - à moitié. Non parce que, quand même, il prend des risques à la laisser au volant. Néanmoins, la brune s’applique, sortant d’une marche arrière pas trop chaotique de l’allée de graviers permettant de quitter le manoir étouffant de sa famille. Même en prenant les circonstances en compte, la sortie est bienvenue et la jeune femme se sent revivre à mesure que la maison s’éloigne de sa vue. « Et donc… » siffle-t-elle d’un ton légèrement hésitant, une grimace sur la figure. « Tu deviens quoi ? »

Stupide Haru, on ne fait pas la conversation avec l’ennemi !

« De mon côté, j’ai eu d’excellentes notes en profilage. Sûrement parce qu’un monstre est bien placé pour savoir ce que pensent d’autres monstres. » marmonne-t-elle directement, pour se protéger d’une pique qui ne manquera pas de venir - ce serait dommage d’être déconcentrée pendant qu’elle suit les instructions de conduite de son fiancé. Toutefois, elle n’essaye pas de converser plus que l’effort qu’elle a déjà amorcé, achevant d’installer un climat de tension et de malaise dans la bagnole.

La scène de crime n’étant pas excessivement loin, et la créature suivant docilement les instructions données par son maître, ils arrivent rapidement à proximité de cette dernière - l’entrée d’une impasse est soigneusement marquée comme une zone interdite par un cordon de police. Se rangeant sur le côté, la demoiselle éteint le moteur et avise l’homme qui surveille l’accès tout en tendant les clés à son voisin. « J’ai aussi entendu dire qu’une des victimes a survécu à l’attaque et est actuellement inconsciente à la clinique. Faudra penser à y faire un crochet quand on aura trouvé notre coupable, qu’on se retrouve pas avec une fuite du monde surnaturel sur les bras en plus de tout le reste. » Soupir de dépit. « Bon, on y va ? »

Sans plus de chichi, Haru sort de la voiture, patientant le temps que Min Ho en fasse de même, avant de se diriger droit sur le policier en service, s’arrêtant à une distance raisonnable pour laisser son fiancé gérer le musclor pendant qu’elle observe les alentours, fermant les yeux pour mieux se concentrer sur les odeurs qui l’entourent. Pas de trace de sang ici - cette odeur vient entièrement du cul-de-sac, ce qui ne peut signifier qu’une chose - qu’elle s’empresse d’aller murmurer à l’oreille de son compagnon, suffisamment bas pour ne pas être entendue du policier ainsi que pour hérisser le poil du coréen de par sa proximité : « Il n’est pas ressorti par ici. Je pense qu’il est rentré, a chopé sa victime, puis s’est barré par les toits. » C’est une piste comme une autre, en tout cas.