Here we go again || ft.Seong Gi

« Hum, ok. J’y serais. 21h. » Yeong Su vient de raccrocher son téléphone, il jette un coup d’œil à la pendule du café dans lequel il bosse et grimace. Il aura juste le temps de rentrer pour prendre une douche et se changer, mais cela devrait le faire. Il ne refuse jamais quand on lui propose de servir durant des soirées mondaines, car c’est le genre de job qui paie bien… et Yeong Su ne roule pas sur l’or. Chaque sous est bon à prendre, même si par principe, il ne ferait jamais rien d’illégale ou encore vendre son corps n’était pas une option. L’heure arrive et le barista abandonne son tablier pour filer, il n’a que très peu de temps, alors il ne doit surtout pas perdre une seconde ! Et puis, il le sait, le lieu de la réception est à Gangnam, à l’autre bout de la ville. Il ne pourra jamais se payer le luxe de vivre dans ce quartier, il le sait bien – il sait d’où il vient.

A peine a-t-il poussé la porte de son appartement qu’il file sous la douche. Pas le temps de rêvasser, même si l’écoulement de l’eau sur sa peau lui fait un bien fou. Il sort au bout de quelques minutes, sèche ses cheveux mi-long avec une serviette et les coiffe. Il sort son costume, le seul et unique qu’il utilise pour ce genre d’occasion. Quand il s’habille comme cela, on pourrait presque croire qu’il vient de leur monde… mais la réalité le rattrape toujours. Il a pourtant une belle gueule et avec son 1m80, on lui a souvent dit qu’il pourrait être mannequin… il a toujours refusé, peur que cette vie-là ne soit pas faite pour lui et surtout que cette part de lui, ne le supporte pas. Yeong Su avait bien du mal à gérer son côté animal en tant normal, alors ce n’était pas pour lui imposer un rythme effréné sous les flashs et la foule.

Après avoir pris le métro, oui même dans cette tenue, Yeong Su n’avait pas vraiment le choix, il arriva dans le quartier de Gangnam et se rendit dans ce sublime hôtel où se déroulait la réception. Des invités de prestiges, tous aussi riches et populaires les uns que les autres… rien de tel pour vous foutre un complexe . Voilà déjà une heure que le serveur arpente les multiples salles pour satisfaire les invités, il est plutôt habillé, se faufilant entre les groupes éparpillés dans chaque espace. Mais l’accident arriva… lui, il était de nouveau ici. Au début, le loup garou n’avait senti qu’un fourmillement désagréable sur son échine, comme si soudainement, il ne contrôlait plus son centre de gravité. Sauf qu’il ne l’avait pas vu arrivé, non, il avait juste senti sa présence sans en comprendre le sens… Yeong Su n’était pas du familier avec ce qu’il lui arrivait, il n’avait pas encore de mots sur ce sentiment étrange. Attiré par lui comme un aimant, Yeong Su ne pu retenir le plateau qu’il tenait dans la main et les verres terminèrent leurs courses sur le costume hors de prix de cet homme. Cette créature au visage angélique dont Yeong Su ne pouvait détacher son regard, pourtant ce sont bien des insultes qui parvenait à ses oreilles. « Excusez-moi… je suis vraiment désolé » finit-il par dire, mais il était toujours incapable de bouger.

( Pando )

Encore une de ces soirées où j'allai m'ennuyer à mourir. Faire semblant de sourire alors que je n'en avais rien à cirer de ce que la personne me racontait. Pourquoi est-ce qu'on m'infligeait cela sérieusement ? Ce n'était pas comme si mon absence allait se faire remarquer vu le nombre d'invités collés serrés qu'il y aura dans cet hôtel. En plus, au bout d'un moment certains finissaient la soirée dans les chambres et à eux, on ne leur disait rien. Cela m'agaçait d'autant plus que je savais aussi qu'on tenterait de me draguer. Je détestais cela car c'était simplement ma belle gueule, mon statut ou mon argent qui intéressait ces rapaces. On essayait jamais de me connaître avant, ils en avaient tous rien à faire de ce que j'aimais, de ce que je détestais. C'était usant, tellement que je finissais par faire des réactions un peu trop virulentes. La dernière avait coûté cher à une jeune femme qui s'était retrouvé avec sa robe tâchée par du vin. Je m'étais senti un peu navré de souiller ainsi un si bon cru mais l'autre sangsue n'avait pas voulu comprendre que non, c'était un mot qui signifiait qu'elle ne m'intéressait absolument pas et que d'aller pendant mes congés la voir faire joujou avec des chevaux ce n'était pas du tout mon délire. Plutôt passer un weekend tout seul dans une source chaude plutôt qu'avec elle.

C'était avec un soupir que j'enfilai ma veste sous le regard ennuyé de mon manager. Je faisais exprès d'être lent pour l'exaspérer et qu'il me dise que je pouvais rester chez moi. Mais malheureusement il était aussi têtu que moi sur certaines choses, et aller à cette soirée hôtelière n'en faisait pas exception. Enfin prêt, je suivais l'autre homme en dehors de mon appartement, puis dans l'ascenseur qui nous amènera au rez-de-chaussée. Afin de ne pas penser à cette longue et ennuyeuse soirée qui s'annonçait, je pianotais déjà sur mon téléphone. Je ne le quittais qu'une seconde pour mettre ma ceinture de sécurité dans la voiture. Le trajet s'était fait dans le silence, comme d'habitude. Je n'étais pas très bavard de base, et n'aimais pas échanger des banalités, je trouvais cela inutile et je passais assez de temps avec mon manager pour savoir ce qu'il faisait la journée. Ce n'était pas comme si nous ne nous étions pas vu depuis x temps.

- Rappelle-toi Seong Gi, pas de scandale. Je n'ai pas envie de devoir encore nettoyer.

Je levais les yeux au ciel face au sermon tandis qu'il arrêtait la voiture devant le lieu de la réception. Ce n'était pas ma faute si les gens étaient si horripilants.

- J'essayerai de ne tuer personne ce soir, promis.

Déclarais-je avec un léger mais perceptible sourire au coin de mes lèvres avant de sortir de la voiture. J'avais trois heures à tuer avant qu'il ne revienne me chercher. Serais-je capable de me tenir jusque-là ? Ce n'était pas sûr. Remettant en place correctement ma veste, j'entrais dans le bâtiment. Cela changeait des boîtes de nuits ou des bars dans lesquels j'étais parfois emmené. Ici, les invités discutaient plus que ne dansaient. Les serveurs payés par l'occasion virevoltaient avec leur plateau. J'attrapais une mignardise au vol pour au moins avoir quelque chose dans le ventre avant d'attaquer la soirée. Il n'avait pas fallu longtemps avant que j’entende mon nom résonner dans mes oreilles et voir un homme avec qui j'avais travaillé pour un shooting. Je le saluai poliment avec un sourire tout aussi poli. Ce dernier disparu de mon visage lorsqu'un abruti renversa son plateau rempli de verres sur moi.

- Crétin ! Tu ne peux pas regarder ce que tu fais ?

Je retenais de lui sortir les autres insultes qui fusaient dans ma tête. L'autre abruti restait figé sur place alors qu'il pourrait avoir au moins le bon sens d'apporter des serviettes en papiers. Décidément, le service de cette soirée laissait grandement à désirer.

- Tu crois que tes excuses vont faire sécher mes habits ou payer la note du pressing ?

- Seong Gi, ce n'était qu'un accident, nul...

- Je ne vous ai pas parlé Bong Pil

Lançais-je au susnommé tout en continuant de fixer d'un regard noir le serveur. D'autant plus que son visage ne m'était pas inconnu, je l'avais déjà croisé. Surement à une autre réception. La poisse.

( Pando )

Serveur ou barista, ce n’était pas des jobs de rêve et pourtant Yeong Su ne se voyait pas faire autre chose. Il se disait que ce travail était sûrement la seule chose qu’il pouvait gérer en ce moment, cela lui permettait de rester actif et de contrôler cette part de lui qui a un besoin sans cesse d’être en mouvement. Il avait bien essayé un poste de vigil une fois, mais cela s'était mal terminé, la colère aurait bien pu tuer le type qui avait seulement essayer de voler des échantillons… Décidément, sa vie était devenue compliquée à cause de cette malédiction. Certes, parfois être au contact des clients était aussi agaçant, frustrant, mais il arrivait toujours à se contrôler - enfin presque. Ce soir était une exception, parce que l’individu qu’il venait de bousculer n’était pas n’importe qui. Il l’avait déjà croisé, il y a quelque mois, ressentant de nouveau ce sentiment étrange en sa présence… cette attirance incontrôlable, comme tout ce qu’il se passait autour de lui disparaissait et qu’il devait la seule et unique raison de son existence sur cette terre. Mais cet homme, il ne le connaissait pas… Peut- être l’avait-il vu une ou deux fois sur des écrans géants dans la ville ou encore dans cette parfumerie pour laquelle il avait travaillé - seulement deux jours - à cause de son odorat développé, il a dû abandonner. La seule chose qu’il connaissait de lui, c’était sûrement qu’il était mannequin, égérie de parfum ou encore de marque de luxe à en voir, le costume qu’il portait. Alors pourquoi ? Pourquoi ce sentiment d’attirance était-il aussi tenace ? Un coup de foudre ? Non, cela pouvait y ressembler au premier abord, mais cela semblait bien plus physique… “Crétin” ce mot résonna, frôlant son ouïe de façon désagréable. Yeong Su se retrouve face à lui, incapable de répondre, d’agir. Figé dans le temps et l’espace, avec pour seule préoccupation comprendre : pourquoi lui? Il finit par s’excuser, se penchant en avant comme l’exige la bienséance. “Je… je vais vous dédommager…” Avec quoi ? L’argent qu’il n’a pas ? Le serveur attrapa le mouchoir qui se trouvait dans la poche de sa veste et tenta d’absorber le liquide sur sa chemise… mais son geste est maladroit, sa main fébrile. “nous devrions vous trouver une autre tenue, le temps que je sèche celle-ci…” ajouta-t-il. Yeong Su sentait que quelque chose n’allait pas, il était en train de perdre le contrôle… il ne devait pas relever la tête… non. De quelle couleur étaient ses yeux ? Avaietnt-ils changés de couleur?  Ce n’était pas le moment de se transformer, pas ici, pas maintenant, pas devant cette foule de gens haut placé. “Suivez-moi, s’il vous plaît” demanda-t-il, toujours la tête baissée, de peur que cet inconnu remarque quelque chose.

( Pando )

J'avais haussé un sourcil lorsque le maladroit avait déclaré qu'il allait me déménager. Et comment comptait-il me racheter des vêtements qui valaient surement plus de deux fois son salaire ? Même si j'étais un connard, je ne l'étais pas assez pour mettre un crétin à la rue. Ce n'était pas grave en réalité que ma tenue soit sale, un passage dans un bon pressing et c'était réglé. Ce n'était pas comme si cet énergumène avait fait un trou dedans, là par contre j'aurai été plus en colère. Ses gestes maladroits pour tenter d'essuyer sa faute à l’aide de son mouchoir étaient par contre agaçants, d'autant plus qu'il n'était pas très doué. Je finissais par saisir son poignet pour le faire cesser. Il me proposait maintenant de nettoyer lui-même son désastre. Je secouai la tête, il n'y avait surement pas de tenu de rechange - on n’était pas à la crèche - mais je pourrais aisément trouver un peignoir. Me promener torse nu au milieu de ces invités ne me disaient étrangement pas grand-chose.

- J'imagine que je n'ai pas vraiment le choix

Le peu d'enthousiasme que j'avais s'entendait parfaitement dans les paroles que je venais de prononcer. Je lâchais le serveur et me tournais vers Bong Pil qui devait bien être heureux que je ne me sois pas totalement emporté. Mes petits accidents étaient assez populaires dans mon domaine, mais ce n'était pas pour autant qu'on cessait de vouloir travailler avec moi. En réalité, si tout se passait bien il n'y avait aucune raison pour que je pique une colère alors certes, elles étaient grandes et marquantes mais peu fréquentes.

- Je vais donc prendre congé un moment, le temps que cet abruti répare sa bêtise. On se revoit plus tard.

Je saluai poliment mon interlocuteur avant de me tourner vers le serveur qui avait toujours la tête baissée. Je levais les yeux au ciel. Si mon regard pouvait tuer, il serait déjà mort depuis la dernière fois. A croire qu’il le faisait exprès de me contrarier. Pourtant sa tête ne me disait rien. Il faut dire que je ne retenais que les visages qui en valaient la peine. Ou que j’avais mis sur ma liste noire.

- C'est bon tu peux arrêter de regarder tes magnifiques chaussures, je te suis.

Déclarais-je avant de le tirer par le bras en voyant l'équipe de nettoyage arriver avec un balai et une serpillère. Ça serait dommage que quelqu'un glisse et se blesse avec les bouts de verres ou se casse quelque chose. C'était plus grave que de renverser de l'alcool et bien plus cher de payer des soins qu’une machine à laver. De toute manière, le crétin allait surement se prendre une soufflante par son patron plus tard aussi.  

( Pando )